Sansheng Chapitre 12 – Mettez le sur le compte du Destin

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Il était toujours là le jour suivant.

 

Néanmoins, je ne pus le jeter dehors comme ce que j’avais prévu hier… parce que…

 

Moxi tirait sur la manche de l’homme inconscient aux habits noirs et me regardait d’un air innocent, espérant anxieusement que je vienne l’aider.

 

Je soupirai. Ne serais-je pas un peu cruelle d’abandonner cet homme en ce moment même ? La seule chose que je ne pouvais pas supporter était d’avoir le regard suppliant de Moxi fixé sur moi. Je hochai la tête rapidement, trainai l’homme dans la résidence, le déshabillai et nettoyai les blessures à sa taille avant de les recouvrir de médicaments.

 

Sa respiration se stabilisa peu à peu et quelques couleurs revinrent sur le visage du petit Moxi. S’il était le tout puissant Moxi Dieu de la Guerre, il n’aurait même pas daigné jeter un coup d’œil à ce genre de blessures. Mais il n’était à présent qu’un Moxi de sept ans encore jeune et innocent.

 

Après que j’aie lavé mes mains, je regardai Moxi et lui dis très sérieusement, « Le sauver pourrait nous causer pas mal de soucis. Mais puisque tu m’as demandé de le sauver, ne reviens pas me dire plus tard que tu regrettes. »

 

Moxi hocha la tête, bien que perplexe.

 

En le regardant cligner ses yeux moites qui trahissaient encore une trace de panique, mon cœur s’adoucit et fondit en une flaque d’eau. Incapable de me restreindre, je l’embrassai sur ses douces joues blanches.

 

Ses yeux devinrent encore plus ronds.

 

« Tu aimes ? » Je levai son menton et lui demandai sur le ton d’une fripouille.

 

Moxi toucha ses joues et réfléchit sérieusement à la question, puis hocha la tête solennellement.

 

Je grimaçai avec suffisance, « Même si tu aimes, c’est quelque chose que tu ne peux qu’avec la personne la plus importante à tes yeux. Tu ne dois pas embrasser n’importe qui. »

 

Moxi caressa doucement ses joues, puis mit ses petites mains autour de mon visage. Mon reflet était clairement imprimé dans ses yeux clairs. Puis il se leva sur la pointe des pieds, recopia mes actions, et me donna un bisou sur la joue avec un léger bruit de smack.

 

Après, il toucha l’endroit qu’il venait d’embrasser et me fixa intensément, comme pour dire, « Je ne ferai ceci qu’avec Sansheng. »

 

Tout d’un coup, je ne pus m’empêcher de l’embrasser quelques fois de plus. Je l’embrassai jusqu’à ce que sa face entière ne dégouline de salive. Il hésita à me repousser, ne sachant que faire, il ne pouvait que sourire silencieusement.

 

« Dis-moi, Moxi. Comment suis-je supposée ne pas t’aimer ?! » Je coiffai ses cheveux qui trainaient sur son front, souhaitant le ranger dans ma poche pour le garder hors d’atteinte des malices de ce monde.

 

 

Nos vies continuaient à suivre la routine habituelle. Nous avions juste une personne inconsciente de plus dans la maison. Le nombre de soldats marchant dans les rues augmenta drastiquement. La taverne avait été fouillée plusieurs fois mais ils n’avaient encore jamais cherché dans notre maison encore.

 

Trois jours plus tard, je pris un livre à lire durant mon temps libre après que Moxi soit allé à l’école. Je m’assis sur une chaise en pierre dans le jardin, jetant occasionnellement des coups d’œil au ciel puis à mon livre. Je me balançai d’avant en arrière en comptant les jours jusqu’à ce que les fleurs de prunier ne remplissent le jardin. Tout d’un coup, des bruits de pas illusoires résonnèrent dans la maison. Je fermai les yeux et écoutai les bruits qui s’éloignaient de la chambre. Les bruits passèrent par le salon, puis la salle du bûcher, avant de finalement s’arrêter dans le jardin.

 

« Mademoiselle, qui êtes-vous ? » demanda-t-il d’une voix froide. « Pourquoi m’avoir sauvé ? »

 

« Mets le sur le compte du Destin… » Et puis, je ne pus m’empêcher de me lamenter. « J’ai un petit côté faible qui m’a poussé à vous aider. Que pouvais-je faire ? »

 

L’homme derrière moi devint silencieux pendant un court moment. Sa voix comportait un soupçon de malaise, « Je vous remercie pour vos sentiments, mais je ne suis pas intéressé par les relations amoureuses actuellement. »

 

Il me donna envie de rire. Je faisais référence à Moxi quand je disais avoir un côté faible, mais cet homme essayait de la jouer intelligent en pensant être un tombeur. Il m’avait manifestement complètement mal interprétée. Je n’avais jamais aimé m’expliquer, et puisque ce n’était rien de bien important, je le laissai juste penser ce qu’il voulait.

 

Ne m’entendant plus parler, il demanda, « Durant ces derniers jours, est-ce vous qui avez… em, pansé mes blessures et pris soin de moi ? »

 

« Oui », dis-je sans grande préoccupation. « Déféquer, uriner, laver les cheveux, laver le corps, laver vos fesses, je suis celle qui vous ai aidé. » Après que Moxi se soit couché, j’utilisais la magie pour tout faire à ma place.

 

Je réfléchis un moment et ajoutai, « Je vous le dis pour votre propre bien. Vos excréments possèdent une très forte odeur. Allez vous faire soigner, vous êtes malade. »

 

Je ne le regardai pas.

 

Le silence persista jusqu’à ce que le soleil ne se couche.

 

Moxi revint à la nuit tombée et se figea quand il ouvrit la porte. Il courut jusqu’à moi, prit mes mains et pointa l’homme du doigt. Son sourire montrait qu’il était extrêmement satisfait. En ce moment, je portais un plat de légumes sautés. Je hochai la tête en marchant dans le salon, « Oui, oui, je sais, je sais. »

 

L’homme regarda Moxi, son expression devint étrange pendant un moment, « Il est… »

 

Je lui jetai un regard, « Mon petit frère. »

 

Moxi lui sourit. Il semblait avoir pensé à quelque chose, puisqu’il lui fit une courbette comme le ferait un adulte. Semblant être intéressé par Moxi, l’homme se mit debout et tourna autour de lui plusieurs fois, en disant « Il possède un excellent corps pour apprendre les arts martiaux. Mais, ne peut-il pas parler ? »

 

« Oui, il est né comme ça. » Il avait demandé avec pas mal de tact dans la voix, de mon côté, j’avais répondu de façon très naturelle. Moxi sourit aussi sans se soucier de son regard, attirant de nouveau ses regards curieux.

 

« Vous êtes une personne très ouverte d’esprit. »

 

Quand toute la nourriture fut posée sur la table, comme toujours, je lui servis de la nourriture dans son assiette et en retour il me raconta sa journée à l’école avec des signes de main. L’homme ne put s’empêcher de demander, « Il ne sait toujours pas écrire ? »

 

Le sourire de Moxi s’effaça de son visage et il baissa la tête pour manger sa nourriture. Je posai mes baguettes sur la table, « Vous avez quelque chose à redire ? »

 

« Je… »

 

« Je m’en fiche même si vous en aviez. »

 

Il resta silencieux, puis soupira doucement, « Mademoiselle, vous m’avez mal compris. Je voulais savoir si les professeurs possédaient des préjudices envers son handicap et s’ils ne l’avaient pas éduqué proprement. Vous m’avez sauvé, mais je n’ai rien à donner en retour. La seule chose que je puisse faire c’est de lui apprendre quelques choses pratiques pour qu’il puisse se débrouiller seul dans le futur. »

 

« Vous devriez demander ces choses à Moxi. Pourquoi me regardez-vous ? » Dans mon esprit, Moxi avait toujours été mon égal. Il devrait décider de ses propres affaires. Comment pourrais-je décider à sa place ?

 

L’autre personne soupira de nouveau, en pensant vraisemblablement qu’il lui était impossible de parler correctement avec moi. Alors qu’il était sur le point d’ouvrir la bouche de nouveau, Moxi saisit sa main, le fixant solennellement et hochant vigoureusement la tête. L’homme se figea un moment, avant de rire, « Alors je suis ton maître à partir de maintenant. Tu n’auras plus besoin d’aller à l’école à partir de demain. Mes méthodes d’enseignements sont très exigeantes, tu as besoin de te préparer. »

 

Moxi continua de hocher la tête. Je demandai soudainement, « Quel est votre nom ? Je ne peux toujours vous appeler par ‘hey vous’ »

 

Il resta pensif un moment, puis répondit, « Je réponds au nom de Bai Jiu (1) »

 

  • Bai Jiu : Homonyme de Vin Blanc en chinois.

 

Pff, quel pseudonyme commun. « C’est bien. Je m’appelle Huang Jiu. Cet enfant s’appelle Xiong Huang Jiu. (2) »

 

  • Respectivement Vin Jaune et Vin Réalgar.

 

Le visage de Bai Jiu se crispa, « Mademoiselle, vous avez un grand sens de l’humour … »

 

Je répondis légèrement, « Pas du tout. »

 

 

Dès lors, Moxi commença son apprentissage.

 

Non seulement pour Moxi, mais même pour moi. ‘Maître’ était une créature complètement étrangère. Maitre Bai Jiu enseigna à Moxi les mots, les beaux-arts, les arts martiaux, et même quelques mélodies élégantes de temps en temps.

 

Il enseigna beaucoup de choses à Moxi et Moxi apprit aussi rapidement, comme si pour compenser son incapacité de parole, les Cieux lui avaient offert d’autres talents.

 

Il était le plus doué avec la musique. Il ne lui prit pas longtemps avant qu’il ne puisse gratter une chanson. J’adorais m’allonger à côté de son cithare (3), hochant ma tête en regardant son apparence de mini adulte. Ses jeunes et tendres doigts glissaient sur les cordes. Il y avait quelques notes avec lesquelles il avait du mal, mais il était si confiant en ses capacités qu’on ne pouvait s’empêcher de l’adorer.

 

  • La cithare est un instrument de musique à cordes pincées, prépondérant dans le folklore autrichien voire germanique, mais aussi répandu en Hongrie, en Suisse, en Slovénie et en France.

cithare

 

Je pris souvent avantage des disparitions de Bai Jiu pour profiter de Moxi.

 

Une fois, je donnai un câlin à Moxi et l’embrassai.

 

Il rougit suite à mon baiser et fut réprimandé par son maître. A partir de ce jour, tout comme son maître, il devint extrêmement prudent avec moi, comme si j’étais une sorcière mangeuse d’enfants des Montagnes Noires.

 

Il devint difficile pour moi de profiter de Moxi. Je ressentais tellement Bai Jiu que mon sang vomi aurait pu rougir plusieurs couches de tissus. Alors que je me demandais si ce n’était pas plus judicieux de couper ce bois mort et le retourner dans les forêts, il devint soudainement très occupé et disparut souvent pendant un long moment.

 

Je me détendis dans la jubilation. Pluie ou soleil, j’allai et me collai aux côtés de Moxi. Je ne savais pas ce que Bai Jiu lui avait dit, mais son affection pour moi était devenu timide et réservée.

 

Je ne voulais pas non plus forcer Moxi, mais mes rancunes contre Bai Jiu devinrent encore plus profondes.

 

Moxi prenait ses études très au sérieux. Même si Bai Jiu ne le poussait pas, il allait toujours plus loin que les espérances de Bai Jiu. Il était néanmoins encore si jeune. A la longue, il ne serait pas capable de garder ce rythme.

 

Je lui avais cousu un nouveau manteau pour les premiers flocons de l’année. Quand je lui donnai, il le tint et l’admira encore et encore, hésitant à le mettre, mais aussi hésitant à le reposer. En rougissant, il me regarda avec appréhension. En repensant à sa timidité, j’abandonnai silencieusement l’envie de l’embrasser. « Range les affaires toi-même. Je vais faire le diner. »

 

Au moment où je ramenai la nourriture, je vis Moxi embrasser le manteau, endormi sur la table.

 

Je le portai jusqu’au lit, le mis au chaud, puis regardai douloureusement sa petite face qui s’était tellement amincie. Avec mes pouvoirs, ce n’était pas impossible de le protéger et de l’aider à passer ses épreuves en toute sécurité. Mais c’était après tout sa propre vie. Il devrait avoir son mot à dire dessus. Je touchai son visage, en pensant, qu’après que cette existence ne se finisse, pourrions-nous nous revoir ? Les Gardes Blancs et Noirs de l’Impermanence ont dit que tu as été pris d’une crise de colère dans l’outre-monde… Qu’est ce qui ne va pas chez toi ? Je t’aide à passer ton épreuve, mais au lieu de me remercier, tu deviens de plus en plus méchant avec moi. Quelle ingratitude ! Je suis bonne avec toi pour rien !

 

Et pourtant peu importe comment il me traite, je n’arrive pas à lui rendre la pareil.

 

Pourquoi doit-il être mon épreuve d’amour ?!

 

Je soupirai doucement. En le voyant dormir profondément, je devins un peu somnolente moi aussi. Ne me souciant pas de la nourriture qui se refroidissait sur la table, je me posai sur son lit en admirant sa face alors que je m’endormis paisiblement.

 

 

Je sentis des chatouilles sur ma joue qui me réveillèrent.

 

J’ouvris mes yeux et je vis que Moxi me regardait avec un grand sourire sur son visage. Il tenait mes cheveux dans sa main, frottant contre mes joues, me chatouillant encore.

 

Je n’aimais pas que les gens touchent mes précieux cheveux, mais je ne m’en souciais pas avec Moxi. Et même si ça me dérangeait, je ne pourrais jamais m’énerver avec ce visage radieux. Je clignai des yeux plusieurs fois et lui dit, « Moxi, tu as bien profité de mon corps pendant que je dormais ? »

 

Il reproduisit mes clignements de yeux et me regarda de façon perplexe, ne comprenant pas ce que ‘profiter de mon corps’ voulait dire. Je lui adressai un sourire sournois et lui mordis l’oreille, « C’est ce que ‘profiter de son corps’ veut dire. »

 

Il se figea, se protégea les oreilles et devint aussi rouge qu’une tomate.

 

Je soupirai, je me demandai pourquoi cet enfant état si facilement embarrassé dans cette existence. A ma grande surprise, il grimaça et m’embrassa sur les joues avec un léger bruit de smack.

 

Cette fois-ci, c’était à mon tour de me figer.

 

Il prit ma main et écrivit sur ma paume avec son index, « J’aime Sansheng plus que tout. »

 

Mon cœur fondit en une flaque de liquide chaud qui coula le long de mes jambes.

 

Quand je repris mes esprits, je lui rendis la pareille en l’embrassant. Je retirai mes chaussures, montai sur le lit et soulevai la couverture, le cajolant dans mes bras, « Ne faisons rien aujourd’hui. Allongeons-nous et prenons une bonne journée de repos. »

 

Comment pouvait-il y avoir une telle chose ? Peu après que nous nous soyons allongés, la couverture fut arrachée.

 

Des veines bleues surgirent sur le front de Bai Jiu. Il regarda Moxi, puis me regarda, et finit par fermer les yeux pour se restreindre avant de demander d’une voix déstabilisée, « Pourquoi n’as-tu pas fait tes devoirs aujourd’hui ? »

 

Moxi sauta instantanément hors de mon étreinte pour se dépêcher de sortir du lit et mettre ses chaussures.

 

Furieuse d’avoir été dérangée en ce moment d’intimité, je pris la main de Moxi en regardant Bai Jiu. Puis je dis, « Pourquoi cours-tu ? Nous ne sommes pas des adultères surpris dans l’acte. »

 

Moxi ne savait bien évidemment pas ce que je voulais dire, mais Bai Jiu était livide de colère. Il me pointa du doigt, « Vous, vous, vous… » Il se tint là, rigide pendant un bon moment et n’arriva pas à dire quoi que ce soit. Il essaya de tirer Moxi vers lui, voulant le séparer de moi. Je tins aussi Moxi, aussi imperturbable qu’avant, le bloquant d’une main.

 

Son expression s’aggrava quand il faillit à séparer Moxi.

 

Je souris avec suffisance, « Hmph ! Moxi est à moi ! »

 

« Comment pouvez-vous soumettre tant d’atrocité à un enfant ? »

 

Je ne m’attardai pas avec lui. Je me retournai et caressai la tête de Moxi en lui demandant, « Pourquoi dois-tu suivre un vieillard inutile ? » D’un point de vue objectif, Bai Jiu devait être au plus dans sa vingtaine ou trentaine. Il était loin d’être ‘un vieillard’. Mais dans mes yeux en ce moment, ses idées étaient tellement arriérées qu’il n’en était pas bien loin.

 

Aussitôt que je finis ma phrase, la face Bai Jiu prit la couleur des entrailles de porcs. Il semblait être prêt à vomir du sang sur mon visage à tout moment et à m’apprendre une bonne leçon.

 

Moxi se dépêcha de couvrir ma bouche en désapprobation. Je retirai sa main et lui demandai, « Tu veux toujours apprendre sous sa tutelle ? »

 

Moxi regarda Bai Jiu et hocha la tête. J’aperçus le sourire de Bai Jiu qui ressemblait à celui d’un étudiant venant de réussir à tricher aux examens, ou à celui d’un bandit envoûtant.

 

A cet instant, je ne pus décrire ce que je ressentais avec des mots. Je dis légèrement, « Très bien. Continue à être son élève alors. » Sans même mettre mes chaussures, je partis directement en direction de la porte pour me diriger vers la taverne et je passai ma nuit là.

 

C’était la première fois que je passais une nuit dehors. C’était aussi la première fois que je m’énervais contre Moxi, ou plutôt, j’éprouvais de la jalousie. Il n’était clairement qu’un étranger que j’avais sauvé. Il n’était même pas resté longtemps à nos côtés, mais cet enfant stupide le défendait déjà ! Vraiment…

 

Bon sang !

 

Cette nuit dans la taverne, je renvoyai le Comptable Liu ainsi que tout le monde chez eux. Puis, je commençai à verser tout le vin blanc du magasin dans les toilettes.

 

 

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